Hans Fogh et Lars Malmborg sont deux amis qui ont grandi à
Copenhague sur des vélos cargo. Hans se
déplaçait sur son biporteur Long John toute la journée, que ce soit pour ses
déplacements professionnels en tant que charpentier ou personnels.
Il l’a modifié et personnalisé pour qu’il soit plus rapide.
Lars, lui est à l’origine de la marque de triporteurs Winther Bikes.
Avec leurs montures, ils
s’affrontaient souvent dans des courses improvisées. A ce jeu-là,
Hans et son Long John*, âgé de plus de 60 ans,
étaient toujours plus rapide que les triporteurs de Lars. Ces
compétitions ont alimenté la réflexion des deux compères
pour la création d'un biporteur qu'ils souhaitaient rapide, robuste,
fiable et capable de transporter facilement des enfants ou des
marchandises. En plus d’être fonctionnel, il devait également
être élégant.
Pour concevoir «leur
bébé», Hans et Lars se sont grandement inspirés du Long
John « qui représentait une merveilleuse base de travail
notamment pour son système de direction » se souvient
Hans. Ils ont développé ce concept en intégrant la plateforme dans
un cadre en aluminium et en dotant le vélo d’un équipement
moderne. Ils baptisent leur biporteur « Bullitt » car ce
nom, facile à prononcer, proche de bullet (balle de revolver en
anglais) était déjà le surnom de Hans en référence au classique
du cinéma du même nom réalisé par Peter Yates, sorti en 1968,
dont Steve Mc Quenn est le personnage principal. Le logo Bullitt s'inspire d'ailleurs de celui du film.
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Hans "Bullitt" Fogh sur l'un de ses Bullitt. |
Pour commercialiser le
Bullitt, ils créent, en 2008, leur société Larry vs Harry (Lars contre Hans,
pour les personnes ne pratiquant pas la langue de Shakespeare) et ont
choisi un logo avec deux boxeurs en garde, l'un représentant Lars et
l'autre Hans. «C'est comme cela que l'on discute, même si l'on
commence à se faire un peu plus vieux» affirme en rigolant
Hans.
Les cadres du Bullitt, proposés en
huit couleurs et une version brute, sont fabriqués à
Taiwan. Ils sont ensuite livrés dans l'atelier de Larry vs Harry à
Copenhague où ils sont assemblés selon la configuration souhaitée
par le client en fonction des composants et accessoires proposés par
la marque. Ils sont ensuite réexpédiés dans le monde entier ou
pour les clients locaux dans le magasin de Copenhague situé le long
d'une des pistes cyclables les plus fréquentées de la ville.


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Denis, l'un des employés de Larry vs Harry en train de réviser un Bullitt. |
Depuis le lancement du
premier modèle en 2008, le Bullitt a évolué et le cadre qui
représente le corps du vélo, est aujourd'hui à sa version 9 (soit
quasiment une par an). Ces évolutions sont principalement techniques
et invisibles pour les cyclistes néophytes. Elles proviennent de la pratique des
clients et des deux gérants «lorsque cela est possible et que cela
peut profiter à une grande majorité de gens, nous prenons en
compte l'avis de nos clients car nous souhaitons produire un vélo de
haute qualité. Ces retours nous ont permis d’améliorer le
Bullitt, tout en trouvant un compromis pour garantir un prix
compétitif ».
La principale évolution
du Bullitt a été le lancement en 2015 d'une version équipée d'une
assistance électrique. De nombreux modèles classiques circulaient
déjà avec une assistance composée d'un kit BionX, installé par le
client. « Cependant, nous n’étions pas très contents de
la qualité de ce kit et de ses performances. Nous avons cherché et
testé de nombreux autres équipements d'assistance en vain ».
Ils ont donc attendu qu'une solution de qualité existe pour
commercialiser une version à assistance électrique tout simplement
baptisée E-Bullitt. Quand Shimano a présenté son système
Steps, les deux boxeurs ont su que c'était ce qu'ils recherchaient
pour équiper le Bullitt. « La qualité du système et son
intégration étaient remarquables et Shimano est un équipementier
présent à travers le monde, comme nos vélos… ».
Le marché principal de
Larry vs Harry, qui compte aujourd’hui 8 employés, est l'Europe et
notamment l'Allemagne. Pour les accessoires et précisément ceux
concernant les enfants, une majorité des ventes sont réalisées au Danemark.
L’entreprise vend chaque année un peu plus de Bullitt. «Larry
vs Harry est une entreprise en bonne santé. Nous avons encore de
belles marges de progression car le marché n'a pas encore explosé».
Hans voit la concurrence comme une chance pour développer le vélo
cargo, " tant que cela tend vers le développement de vélos de qualité
et que ce n'est pas juste une simple copie d'un Bullitt". Les
autres marques permettent également de montrer qu'il existe
différents modèles de vélos cargo et qu'ils peuvent aisément
remplacer les voitures pour de nombreuses utilisations. Elles nous
permettent donc également d'augmenter nos ventes »,
explique Hans.
De nombreux
Bullitt circulent à Copenhague et dans le monde entier et une véritable communauté
de passionnés, appelée The Bulliteer, s’est créé
autour de ce biporteur et un groupe Facebook met en relation les
propriétaires de Bullitt à travers le monde. « J’aime
voir la personnalisation des modèles et les différents usages qui
en sont fait. Ils confirment que ce vélo est adapté à toutes
sortes de transport». En complément, un documentaire « The Bullitt’s Burden », présenté en avant-première au
Bicycle Film Festival de New York en Juin 2017, présente le mode de vie sans voiture que l’on peut développer grâce au
Bullitt
Aujourd'hui des Bulliteer partent faire le tour du monde, d'autres établissent des
records de vitesse ou d'endurance sur des vélodromes et de grandes compagnies de logistiques
utilisent ce biporteur pour effectuer leurs livraisons
écologiquement. Hans est très fier de ce développement. Il souhaite
continuer à établir de nouveaux records « pour le fun mais
aussi parce que cela démontre les capacités du Bullitt! C’est
un vélo rapide, élégant et simple d’usage qui permet de lutter
efficacement contre la congestion et la pollution des villes ».
En moins de dix ans, le
Bullitt est devenu un vélo culte qui a révolutionné la mobilité.
L’objectif initial de Larry vs Harry était de créer un vélo qui
puisse remplacer la quasi-totalité des fonctions de l’automobile.
Il est largement atteint à Copenhague et en passe de l'être dans de
nombreuses autres villes dans le monde entier...
* Hans s'est depuis séparé de son Long John. Il l’a offert à un
ami, chef restaurateur à New York qui le conduit et l'utilise de
temps en temps pour des livraisons « Il est de cette façon
toujours vivant et en circulation à l'autre bout du monde»
explique Hans avec une pointe de nostalgie